dimanche 4 mai 2008

Vous êtes victimes, même à votre insu...



Vous êtes victimes (même à votre insu…)

À moins d’avoir été séquestré, sans contact avec les médias du Québec entre le 12 et le 19 avril, vous avez été exposé à une tapageuse campagne de « sensibilisation » à la télé et dans les journaux, centrée sur les agressions sexuelles envers les femmes et parrainé par le Ministère de la Culture, des Communications et de la Condition féminine du Québec.

La publicité télévisuelle met en vedette une jeune femme au visage angélique, ornementée de tresses ondulantes- difficile à dire, mais elle pourrait avoir entre 17 et 25 ans,– dévisageant d’un air grave la caméra. Calmement, elle affirme : « Au Québec, une femme sur trois sera la victime d'une agression sexuelle au cours de sa vie. » Puis, après une pause lourde de sens : «Je suis l'une d'entre elles." Couper.

D’onéreuses campagnes menées par les ministères publics s’avèrent bénéfiques dans la mesure où leur contenu contribue à réduire l’incidence de certaines maladies ou d'accidents. Brandir des statistiques sur les effets du tabagisme, des rapports sexuels non protégés ou la conduite en état d'ébriété motive le public à modifier ces comportements à risque, avec
en bout de ligne comme résultat une baisse du taux de mortalité et une réduction des frais médicaux afférents, une formule gagnante pour tout le monde.

Contrairement aux maladies pulmonaires, aux maladies sexuellement transmissibles et aux morts de la route, tous attribuables à des comportements à risque qu’il est possible de corriger, l’actuelle campagne «Brisons le silence» au Québec ne suggère pas, même à mots couverts, la moindre stratégie pour éviter les agressions sexuelles. Le contenu de la réclame ne met jamais en garde les femmes qui travaillent dans le domaine du sexe du risque élevé associé à ce métier, ni ne rassure les femmes sexuellement responsables des avantages que comporte un tel mode de vie. Alors, si derrière cette campagne d’épouvante, le but était d’envoyer un message de prudence à toutes les femmes, la cible est ratée.

La ministre Christine Saint-Pierre raconte
que la campagne « envoie un message non équivoque sur la dure réalité de l'agression sexuelle… et dresse un portrait réaliste de la situation. »

Un message non équivoque, ça c’est clair. Mais « réaliste »? Rien n’est moins sûr. Dans les encarts imprimés, la ministre fait valoir que le chiffre d’une femme sur trois provient de Statistique Canada 1999, et des quelques 6000 signalements annuels d’allégations d'agression sexuelle rapportés à la police. (Les statistiques portant sur le nombre avéré de ces allégations brillent par leur absence.)

Auparavant, Mme Saint-Pierre a déjà divulgué des statistiques, la dernière fois en novembre dernier, alors qu’elle estimait le nombre de femmes du Québec victimes de violence familiale à chaque année. En réalité, le chiffre véhiculé provenait encore une fois de la Déclaration universelle de la criminalité (DUC2) qui collige les allégations de violence conjugale enregistrées annuellement par les autorités.

Considérant qu’environ un tiers seulement de ces allégations sont suffisamment crédibles pour être portées à l’attention des tribunaux, les autres deux tiers devraient être soustraite du discours public à ce propos. (Beaucoup de fausses allégations sont destinées à « lui enseigner une leçon », comme nous l'apprenions récemment dans un cas médiatisé à Toronto.) Pourtant, c’est exactement sur cette même base de « preuves » fallacieuses que la ministre affirme maintenant que 1,5 millions de femmes du Québec « vont » (et non pas « peuvent ») être victimes d'agression sexuelle.

Aux États-unis, l’Institut National pour la Justice estime que 14,8% des femmes courent le risque d'être agressé sexuellement durant leur vie, soit un peu moins de la moitié du chiffre de 33% colporté par Mme Saint-Pierre. Les femmes du Québec ne vivent pas deux fois plus longtemps que les femmes américaines. D'où provient cette disparité?

Lorsque rejoint pour fin d’éclaircissement, un porte-parole du bureau de la ministre a avoué qu'elle ne pouvait expliquer la méthodologie utilisée dans cette « étude », ni confirmer si la définition d’ « agression sexuelle » retenue par la ministre (jamais définie dans l’annonce) correspondait bien à celle du Code Criminel, qui implique spécifiquement l’usage de la force physique.


Si, comme je le suspecte, Mme Saint-Pierre a décidé qu’une agression sexuelle correspond à sa définition toute personnelle, son « étude » pourrait très bien inclure sournoisement ce que les chercheurs crédibles rejettent ironiquement comme des « variables d’activistes » : des incidents comme « une proposition de sexe infructueuse », un véritable fourre-tout qui inclut les séances d’exploration corporelle auxquelles se livrent les adolescents jusqu’au sifflement du menuisier au passage de la demoiselle, le tout ajouté aux statistiques colligées afin d’enrayer le fléau des prédateurs sexuels.

Quoiqu'il en soit, ces statistiques sont bidons: pour les femmes qui visionnent l'annonce, le sous-entendu « au cours de sa vie » ne sera pas enregistré alors qu’ « une femme sur trois » va s’inscrire profondément dans leur mémoire. Elles vont croire, - et je pense qu'il s’agit bien là du but de l’exercice – que toutes les femmes sont unanimement des victimes potentielles, et plus d'un million d’hommes au Québec représentent des violeurs en puissance. Il s’agit là d’une forme de communication irresponsable et incendiaire.

Et alors? ( Haussement d’épaule Gaulois ). Pour le ministère, le véritable objectif derrière cette campagne de $ 1.3-million n'est pas d'éduquer ou d'améliorer le sort des Québécoises, mais davantage de servir d’instrument dans le but d’extorquer toujours plus d’argent du gouvernement lors des allocations budgétaires.

Depuis 1987, plus d'un milliard de dollars des contribuables du Québec ont été englouti dans « la condition féminine ». Il est temps que le premier ministre Jean Charest ordonne une vérification indépendante des activités promotionnelles de sa ministre, dont la crédibilité est au moins aussi douteuse que ses compétences professionnelles.

Barbara Kay, National Post le 30 avril 2008

bkay@videotron.ca

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