Le guichet unique du divorce par Donna Laframboise
Il y a deux ans, Terri a admis avoir à mauvais escient utilisé le réseau de refuges pour héberger les femmes en difficulté. Bien que son conjoint ne l’ait jamais violenté, elle a reconnu à l’occasion d’une conférence ayant pour thème l’incidence des fausses allégations en matière de droit familial à Winnipeg, avoir menti à elle-même et au personnel du refuge, parce qu’elle avait tout à y gagner et qu’une chose semblable était particulièrement facile dans le contexte actuel.
Terri raconte qu’en sept ans de vie commune, le problème de consommation d’alcool de son conjoint avait rendu sa relation particulièrement difficile, et admet avoir déjà quitté son conjoint. Sa mère, dit-elle, lui avait à ce moment conseillé d’aller se réfugier dans un centre de crise en pensant que le personnel sur place allait lui être d’un grand secours pour atteindre sa quête d’autonomie. Terri (qui a choisi l’anonymat pour éviter des ennuis supplémentaires à son ex conjoint), mentionne avoir communiqué par téléphone avec un refuge de Winnipeg et s’être fait répondre que seules les femmes violentées y étaient admises. « Je me suis rendu cogner à leur porte, j’ai pleuré et j’ai raconté que mon conjoint était violent. Mes enfants n’étaient pas présents à ce moment parce que je ne voulais pas qu’ils soient témoins de la méthode utilisée pour y être admise ».
Terri dit que l’intervenante a cru d’emblée son histoire sans poser la moindre question. Alors, après être retournée chercher ses fils, âgés de trois et six ans, elle est revenue au refuge pour se faire expliquer par le personnel comment procéder pour gagner au tribunal une cause de divorce.
Terri relate comment les résidentes se faisaient expliquer que « la première chose à faire était d’obtenir une ordonnance de non communication à l’encontre du conjoint. Nous devions rédiger une plainte écrite avant de se rendre chez un avocat ».
Dans le cas de Terri, le résultat fut consigné dans un affidavit de 10 pages n’alléguant pas que le conjoint était violent, mais plutôt qu’il présentait les caractéristiques communes aux alcooliques. « Plusieurs d’éléments mentionnés à son sujet dans ce document de cour concernaient son hygiène personnelle. Je me plaignais d’avoir de fréquentes infections urinaires parce qu’il ne se lavait jamais ». Sur la base de cet affidavit dit-elle, « J’ai obtenu l’ordonnance de non communication et sans plus tarder, la garde exclusive de mes enfants sans droit de visite pour mon ex mari ».
Par la suite, les véritables conséquences de son geste ont fait surface. « J’ai réalisé ce que je venais de faire. En un an, mes enfants n’ont pas revu leur père et en aucun temps n’ai-je crains pour ma sécurité ni celle de mes enfants, » raconte Terri, devenu thérapeute à l’âge de 36 ans. « Tout le processus était biaisé. J’avais le refuge et le mouvement des femmes de mon côté ».
Au cours des audiences de la commission parlementaire sur les modalités de garde et de droit d’accès plus tôt cette année, (le rapport final doit être déposé au début décembre), les porte-parole des refuges de femmes sont intervenues avec beaucoup de virulence. Leur propension à dépeindre tous les pères impliqués dans des conflits de garde comme des abuseurs et les mères comme des victimes éplorées n’a pas surpris grand monde dans la communauté des avocats et des groupes communautaires préoccupés par le rôle prépondérant occupé par les refuges dans les histoires de divorce. En plus de fournir l’encadrement moral aux femmes qui viennent cogner à leur porte, les refuges rédigent également des lettres de soutien qui deviennent des instruments hautement préjudiciables aux conjoints dans leurs dossiers juridiques — et ce malgré le fait que le personnel en question ne rencontre jamais l’individu concerné, n’entend qu’une seule version de l’histoire et ne connaît la femme que depuis une brève période dans des conditions particulièrement artificielles.
Susan Baragar, qui exerce principalement sa profession d’avocate en droit familial à Winnipeg, se décrit comme une féministe mais reconnaît néanmoins que « c’est devenu ‘trop facile’ pour une femme d’obtenir ce type de lettres d’un refuge et qu’elles représentent une arme redoutable ».
Les juges sont « définitivement coincés » lorsqu’une femme séjourne dans un refuge et que les documents de cour présentent une lettre émanant du centre mentionnant que le père est dangereux, relate Mme Baragar. « Je veux dire, vous avez là un genre de 'professionnel' qui affirme que le père ne devrait pas voir ses enfants ».
Mme Baragar a elle-même fait bon usage de ces tactiques au bénéfice de ses clientes. Dans une affaire récente, elle relate la fois où elle représentait une femme qui « s’était présentée avec une lettre de deux-trois pages jointe à un affidavit et comment [le père] s’était vu refuser l’accès sur cette seule prémisse. Rien d’autre. Cela dépend du juge. Certains juges sont plus prudents que d’autres. Mais dans ce cas précis, le père s’était définitivement vu refuser l’accès ».
Mme Baragar raconte que l’avocat de la partie adverse « a eu beau argumenter qu’il ne pouvait s’agir d’un point de vue impartial, que les deux parties en cause n’avaient pas été interrogées, il n’y avait rien à faire ».
Et, comme le parent qui se voit confier la garde en premier est à peu près certain de la conserver par la suite, (les autorités sont réticentes à perturber de nouveau la vie de jeunes enfants), les relations pères-enfants sont souvent irrémédiablement compromises sur la seule base d’un ouï-dire provenant du personnel d’un refuge.
En 1995, une intervenante travaillant dans un refuge de Winnipeg a rédigé une lettre de deux pages en faveur d’une résidente. La travailleuse avait, dès leur première rencontre, été capable d’affirmer que la femme « avait été victime d’abus dans sa jeunesse et dans sa vie d’adulte par la suite ». Mentionnant espérer que « la cour tienne compte de sa lettre de support, » la travailleuse précisait que la femme était une personne « intelligente, profonde et sincère ».
Mais en 1997, après avoir entendu les arguments développés par la conjointe et les services sociaux et familiaux de Winnipeg, un juge en est arrivé à une toute autre conclusion. Dès la jeune vingtaine, la femme avait déjà effectué sept plaintes d’abus sexuels impliquant onze personnes différentes. (La seule plainte digne d’intérêt s’était soldée par un verdict d’acquittement.) « À un moment ou à un autre, » écrivait le juge, la femme avait « accusé son père, son frère et sa sœur de l’avoir abusé sexuellement ». Du point de vue du juge, sa crédibilité était minée par le fait que « malgré toutes ces allégations, elle n’avait aucune hésitation à vivre avec son père et sa sœur et à confier ses propres enfants à son père ». Éventuellement, cette femme a abandonné sa lutte en vue d’obtenir la garde et les enfants furent placés sous l’autorité de la grand-mère.
À Burlington, en Ontario, en 1995, l’intervenante d’un refuge rédigea une lettre en faveur d’une cliente au sujet de sa relation avec ses enfants, une petite fille de deux ans et un garçon de douze ans. Même si les enfants ne l’avaient rejointe au centre que depuis huit jours, l’employée n’a eu aucune hésitation à déclarer qu’elle était une « mère dévouée et affectueuse » et exprimait sa « profonde conviction » que la garde des enfants devait être attribuée à elle plutôt qu’au conjoint qu’elle venait de quitter.
Or, dans cette affaire, il s’est avéré que le dossier de cette mère n’avait rien de reluisant. Quatre années auparavant, la société de l’aide à l’enfance avait persuadé le tribunal qu’elle constituait un réel danger pour son fils et sa fille aînée, alors âgée de douze ans, qui ne l’avait pas suivi au refuge.
Après avoir supervisé la situation pendant trois mois, un travailleur de la Société de l’Aide à l’Enfance a mentionné au tribunal que les deux enfants « admettaient craindre leur mère la plupart du temps ». À une occasion, elle aurait menacé le conjoint avec un couteau en plus de menacer de s’enlever la vie. À un autre moment, elle aurait « ouvert la porte de l’auto qui filait sur l’autoroute en menaçant de sauter ». Le travailleur fit remarquer qu’à « chacune de ces occasions, les enfants étaient présents ». Malgré tout cela, le tribunal a quand même accordé la garde des enfants à la femme.
Dans un autre refuge situé à Orillia, Ontario, une travailleuse a rédigé en 1994 une lettre relative à l’attribution de la garde de deux garçons, âgée respectivement de deux et trois ans. Nonobstant le fait que la cause n’avait jamais été entendue devant les tribunaux, cette travailleuse affirmait que la mère « avait été agressée physiquement » par son conjoint avant de venir se refugier dans leur maison. Le simple fait d’être venu demander assistance auprès de leurs services constituait une preuve qu’elle était « un parent dévoué et consciencieux ». La lettre concluait avec l’affirmation que « cela occasionnerait un grand préjudice » aux enfants si la garde n’était pas dévolue à la mère. Grâce à cette lettre, la garde a effectivement été confiée à la mère.
En 1997, l’intervenante d’un refuge situé à Toronto a rédigé une lettre en faveur d’une femme hébergée depuis six semaines. Elle y affirmait résolument que la femme avait été abusée « physiquement et émotionnellement » par le conjoint qu’elle quittait et qu’en plus, « ses enfants étaient toute sa vie, » ce qui motivait tous les recours pour obtenir la garde de ses enfants. Cependant, dans un rapport daté d’une semaine avant la rédaction de cette lettre émanant du refuge, le psychologue qui avait rencontré la femme lors de son séjour avait noté que « jamais, elle n’avait été frappée physiquement » par le conjoint. La garde intérimaire a néanmoins été accordée à la mère.
Mme Baragar a déjà réussi à faire retirer du dossier de la cour certaines lettres émanant des centres de crise lorsque l’on tenta de les utiliser contre ses clients. « Techniquement, la règle de base est que vous n’êtes pas censé joindre aucun élément supplémentaire à l’affidavit de quelqu’un d’autre, » dit-elle. « Lorsque j’aperçois ce genre de lettre, je sors de mes gonds et j’insiste pour qu’elles soient produites dans un affidavit séparé et assermenté — ce qui me confère le droit de questionner l’auteur de la déclaration [Les travailleuses sociales], ce qui est suffisant pour les faire fuir. Elles n’aiment pas se compromettre au moyen d’affidavit ». De nombreux avocats dit-elle ne sont pas familiers avec ces tactiques.
Mary McManus, une avocate de Victoria, B.C., partage les préoccupations de Mme Baragar. Bien que partageant l’opinion que les « refuges sont très importants et jouent un rôle utile, » elle croit que les intervenantes devraient être prudentes lorsqu’elles expriment des opinions personnelles au sujet de situations dont elles n’ont qu’une connaissance fragmentaire.
« Les intervenantes dans les refuges proviennent de milieux divers en terme d”expérience et d’éducation. Ce qu’elles racontent peut bien être pertinent, mais peut tout autant ne pas l’être ».
Mme McManus concède que le tribunal « tend à accorder une place prépondérante au simple fait que la femme se soit rendue dans un refuge. J’ai une grande expérience des enquêtes sur caution lorsque des hommes sont accusés de maltraitance à l’égard de leurs conjointes. Le simple fait que la conjointe réside dans un refuge suffit à démontrer qu’il y a eu abus ».
Greta Smith, la directrice exécutrice de la Société des maisons de transition de la région du Yukon/Colombie-Britannique mentionne que son organisation n’a pas de politique établie au sujet des lettres favorable à ses clientes. Bien qu’elle admette qu’il soit « possible que certaines maisons de transition puissent rédiger des lettres d’appui, » l’idée la rend inconfortable.
«J’imagine qu’il me faudrait voir ces lettres. Je suis désolée, j’ai de la misère avec cela. Le fait que certaines personnes puissent rédiger des lettres sans avoir de sérieuses et valides raisons de le faire. Sans voir la lettre et sans connaître les circonstances, cela me serait difficile de m’étendre sur le sujet ».
Lorsqu’on lui pose la question s’il est possible que certaines femmes se présentent au refuge avec un plan stratégique en vue d’un procès, Mme Smith répond: « Tout est possible en ce bas monde, mais je ne crois pas que cela se produise ».
Louise Malenfant, une activiste communautaire à Winnipeg, surnomme les refuges « le guichet unique du divorce pour les femmes, » et semble préoccupée par la politique officielle de « ne pas poser de question ». Elle prétend qu’en plus d’aider les femmes qui font de fausses allégations de violence domestique, les refuges de sa ville ont participé à la fabrication de fausses accusations d’inceste.
Durant les quatre dernières années, Mme Malenfant a représenté quelques 62 individus qui prétendent avoir été faussement accusés d’attouchements sexuels durant les procédures de divorce. Dans un tiers de ces situations dit-elle, il y avait un refuge d’impliqué.
En 1996, durant les audiences publiques concernant la loi sur la famille et les services sociaux du Manitoba, Mme Malenfant a soutenu que les enfants étaient emmenés dans un local à l’écart de leurs mères, pour y être soumis à un programme de sensibilisation aux abus sexuels et questionnés de manière inappropriée par le personnel du centre.
« Si vous exposez de jeunes enfants à du matériel sexuellement explicite et les questionnez sans relâche pendant une semaine ou deux, l’enfant va finir par répéter la leçon qu’il a apprise, » affirme Mme Malenfant au National Post.
Elle soutient que même les mères qui n’auraient pas d’elles-mêmes accusé leurs conjoints d’inceste se sentaient obligé de prendre la situation très au sérieux lorsque les accusations survenaient à l’occasion d’un séjour au refuge. Mme Malenfant a fait une demande publique d’enquête au sujet des centres de refuge et a rédigé des lettres aux représentants du gouvernement dénonçant ce qui s’y trame. Le résultat, cet élément particulier semble avoir disparu. « C’est comme si quelqu’un avait balayé le problème sous le tapis, » raconte Mme Malenfant. « Je n’ai pas vu d’autre cas émanant d’un centre de crise depuis un an. Je ne sais pas ce que [le gouvernement] a fait; tout ce que je sais, c’est que la situation a cessé ».
« C’est extrêmement préoccupant, » raconte Mme Baragar au sujet du rôle joué par les centres de crise dans les situations de divorce et de garde. « D’un point de vue personnel, je m’emporte parce que je crois qu’il existe des situations particulières d’abus et je constate au tribunal comment ces cas sont traités plus légèrement en raison du mensonge omniprésent » qui y prévaut.
Au cours de la dernière année. Mme Baragar rapporte avoir vu un sens croissant de cynisme sur le banc.
« Les juges sont plus enclins à croire qu’il ne s’agit-là que de mensonges. Vous savez, nous en sommes rendus au point où tous les affidavits déposés mentionnaient une situation d’abus. Page après page, il ne s’agissait que d’abus et les affiants étaient disposés à se rendre au centre de crise à ce sujet.
Je veux dire, tout n’est pas de l’abus. Ce n’est pas parce qu’il ne s’agissait pas d’une lune de miel qu’il faut qualifier la situation d’abusive ».
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